« Puis ils vinrent à Elim, ou il y avait douze fontaines d'eau et soixante-dix palmiers ; et ils campèrent là ; auprès des eaux.»
Exode 15;27.
Quand, aux palmiers d'Elim, un vol de tourterelles
S'est abattu le soir près des sources jumelles,
La troupe virginale, en repos, sur le bord
De leurs douze bassins, se blottit et s'endort...
Soudain le peuple ailé s'éveille de son rêve
Sous le pressentiment de l'aube qui se lève ;
Mais, entre les palmiers nulle rougeur ne luit.
Nul rayon précurseur n'a traversé la nuit.
Dont le voile alourdi dans les cieux flotte encore ;
Et cependant un astre a devancé l'aurore :
L'étoile du matin, ce pur globe argenté,
Inonde le désert de sa fraîche clarté.
L'astre c'est toi, Seigneur, dont le regard de flamme dans la nuit de ce monde a pénétré mon âme,
Me remplit de l'espoir de ton prochain retour,
Et, dans un cur qui t'aime, a devancé ton jour.
Aussi sur tes splendeurs en secret je médite
Et devant ton amour tout mon être palpite,
Quand ta clarté m'inonde, et fait vibrer en moi
Des chants mélodieux qui remontent vers toi.
Je sais, au bord des fontaines,
Un arbre au tronc généreux
De qui naissent, par centaines,
Des rejetons vigoureux.
La puissance avec la grâce
Décorent sa royauté,
Nul arbre ne le dépasse
Et ne l'égale en beauté.
Pour lui, les cèdres superbes
N'ont pas, sur leurs monts altiers,
Plus de valeur que les herbes
Qu'on voit ramper à ses pieds.
Ses fleurs, aux essaims d'abeilles,
Offrent un miel savoureux ;
Il tend, à pleines corbeilles,
Ses fruits mûrs aux malheureux ;
Il abrite la faiblesse
Des plus humbles vermisseaux
Et protège avec tendresse
Les nids des petits oiseaux.
O Seigneur ! cet arbre immense
C'est toi seul: tu sais unir
La grâce avec la puissance
Pour sauver et pour bénir..
Pourtant la souffrance amère
Etreignit, navra ton cur,
Plus tendre qu'un cur de mère,
Sensible à chaque douleur !
Haine, injures, calomnie
T'ont assailli de leurs flots ;
Des méchants, contre ta vie,
Ont ourdi d'obscurs complots
Toi, tu portais en silence
Leurs insultes, nuit et jour ;
Même leur indifférence
Ne lassait point ton amour
Tu fus la sainte Victime
Qui, partageant notre sort,
Pour nous tirer de l'abîme
Et nous sauver de la mort,
Malgré la honte et l'outrage,
Se chargea de nos tourments
Et sombra dans le naufrage
Au sein des flots écumants...
Cher Sauveur ! depuis l'étable
Jusqu'aux douleurs de la croix
Pas un regard charitable
Ne s'abaissa sur toi !
Tu fus seul, quand la puissance
De l'ennemi déchaîné
Sur ton âme sans défense
Fondait en Gethsémané,
Dans l'horreur de la nuit sombre.
Qu'à genoux seul tu sondas,
Où tu fus trahi dans l'ombre ;
Par le baiser de Judas ;
Seul, en cette heure terrible
Où tu marchais à la mort
Opposant un front paisible
Aux fureurs de l'homme tort !
Seul, sans armes, sans cuirasse,
De mille flèches percé,
Tu subis, à notre place,
L'arrêt d'un Dieu courroucé ;
Oui, tout seul !... Mais c'est ta gloire!
Seul, fort et faible à la fois,
Tu remportas la victoire
Immortelle de la croix !
*
Aussi Dieu t'a béni dans les cieux, sur la terre :
Pour toi l'aube du jour distille son trésor,
Et, sous l'enchantement. du soleil millénaire,
Le monde pour toi seul porte ses gerbes d'or.
 toi, la funèbre et douloureuse voie
Eut pour terme un gibet, entre deux criminels,
Le fruit des pampres mûrs, symbole de la joie,
Qui rougit jusqu'au bout des coteaux éternels !
A toi l'escorte sainte, entrant par les portiques,
Dans les temples d'azur aux dômes de cristal,
En foule, avec les luths, les danses, les cantiques, Comme des fils de roi dans leur palais natal !
A toi, dans sa jeunesse et son charme et sa grâce
Une épouse sans tache aux vêtements royaux,
Portant sur son front pur reflet de ta face,
Perle sans prix parmi tes plus riches joyaux !
O ma louange, monte encore,
Monte jusqu'au troisième ciel !
Cet être que le monde abhorre,
C'est le Seigneur, c'est l'Eternel !
Cet homme, couronné d'épines,
Battu de verges, souffleté,
Remplit de ses gloires divines
Les trois cercles d'Eternité !
Ce malfaiteur, jugé sans cause,
Crucifié, de tous honni,
Est le Dieu fort, sur qui repose
Tout le fardeau de l'Infini !
*
Célèbre, ô ma lyre,
Celui que j'admire :
Il est tout pour moi !
Accord magnifique.
Céleste cantique,
Monte, élève-toi
Jusqu'aux pieds du roi !
Mon cur, tu débordes ;
Tu brises tes cordes,
Trop plein pour chanter ;
Mais, qu'en Sa présence
Au moins mon silence
Serve à l'exalter...
L'hymne recommence,
Se déroule, immense,
Dans les cieux ouverts.
A cette harmonie Croissante,
infinie, De tout l'univers,
Les mille phalanges
Des saints et des anges
Joignent leurs concerts.
L'Alléluia se tait, mais, de leur chant sonore,
Les harpes dans le ciel l'accompagnent encore ;
Et l'hommage muet parle par tous les yeux.
Et le chur, captivé par ce spectacle unique,
Sur le trône divin voit un Agneau mystique,
Autrefois immolé, maintenant glorieux.
Sa face a les splendeurs de l'aube printanière,
Et toujours et sur tous il verse sa lumière,
Comme les lampes d'or aux voûtes du Saint Lieu.
Sa voix se fait entendre: il nous parle, il se nomme,
Et nous reconnaissons Jésus, le Fils de l'homme,
En contemplant ravis les traits du fils de Dieu !
H.R.
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